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Études à propos du Réel en psychanalyse

Elie DOUMIT

Études à propos du Réel en psychanalyse

Incidences cliniques ?

ALI-Auvergne – Vendredi 2 avril 2021

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Un écrit envoyé et déchiffré avec l’aide de madame O. Grimbert Doumit

Jean-Louis Chassaing

Un collègue bien intentionné me disait sur un ton badin : « j’espère que tu vas nous dire, cette fois-ci, le vrai sur le Réel ? ». Cette formule « dire le vrai sur le Réel », apparemment innocente, m’a créé quelques tracas et pas seulement d’ordre logique. Car, en essayant de préparer mes notes, j’ai été envahi par un étrange sentiment d’inquiétude et de gêne, que j’ai essayé de m’expliquer en me disant que c’était dû peut-être au fait que c’est la cinquième fois que je fais une présentation de ce livre. Et que donc, c’est la répétition, la répétition du même qui me semble induire ce sentiment d’insécurité ou d’ennui et pourtant, je m’efforçais de faire à chaque fois un exposé différent. 

Mais, il me semble il y a quelque chose d’autre. C’est que la remarque anodine de mon collègue qui m’assigne à « dire le vrai sur le Réel » m’est apparue comme une exigence qui m’engagerait à prendre une fausse route. Puisqu’en suivant Lacan dans ses derniers séminaires le vrai ne semble pas recouvrir le Réel, pour la raison que le vrai concerne le sens et que (alors que) le Réel, le Réel du symptôme est hors-sens.

En d’autres termes, si l’on peut dire que les formations de l’inconscient relèvent du refoulement et concernent la vérité, il ne semble pas que le Réel procède de ce même refoulement. Il suffit de prendre en considération l’hallucination du doigt coupé chez l’Homme aux loups, pour comprendre pourquoi, quand cette hallucination lui tombe dessus, il se trouve sans voix. Muet.

Certes, comme vous le savez il y a plusieurs manières chez Lacan d’interroger le Réel ; je choisi celle qui a rapport au vrai, à savoir que le Réel se trouve dans les embrouilles du vrai – ou que le vrai se trouve dans les rainures du Réel, ce qui signifie que le vrai finira toujours par se recouper lui-même, par se cogner contre lui-même, jusqu’à s’embrouiller. (Ici Elie Doumit a écrit quelques mots qui semblent se référer à l’ab-sens et à l’a-Chose). 

Or habituellement, dans notre pratique, quand on essaie de suivre la piste du Réel, nous avons tendance à glisser vers le sens et le vrai, comme si cette tendance était tellement implicite à notre pratique qu’il nous arrive parfois, quand il s’agit d’exprimer quelque chose qui nous résiste, quelque chose qui serait de l’ordre du Réel de dire : « c’est ontologique ». L’ontologie devient le mot du Réel ! (Ici en quelques mots Elie Doumit semble insister sur les liens entre le sens, l’Être et l’Onto.). Comme si c’était là une référence lacanienne évidente ! Alors que cette référence à l’onto que l’on trouve dans le séminaire Les Quatre concepts de la psychanalyse était un épisode où quelqu’un interrogeait Lacan sur le statut ontologique de l’inconscient. Lacan n’en n’a pas donné suite.

Si l’on suit les derniers séminaires de Lacan il apparaît clairement que le Réel en psychanalyse ne procède pas de l’ontologie, ne se fonde nullement sur une logique de l’être ou du sens, bien que dans la pratique on constate que le sens est toujours déjà prêt à être substitué au Réel, le sens va toujours dans le sens de nous faire croire à l’Être, non au Réel ; (mais) à l’onto. D’ailleurs Lacan cherchait quelque chose qui rendrait compte du Réel sans être de l’ordre de l’être. Je ne sais pas si vous vous rappelez de ces moments où Lacan est amené à distinguer être et exister. Il trouve chez les logiciens, notamment chez Frege un support caractérisé par la distinction zinn et bedeutung c’est-à-dire sens et référence.

Il faut dire que Lacan au début de son enseignement traduit le terme Bedeutung par « signification », comme (dans) l’expression « signification du phallus ». Mais par la suite, en s’appuyant sur Frege, Lacan traduit Bedeutung par la « dénotation » c’est-à-dire précisément ce qui pointe vers une existence. Non pas l’existence dont parle Heidegger et qui serait une ouverture à la vérité, à savoir la prise du Symbolique sur le Réel, mais l’existence telle que Lacan la conçoit comme radicalement hors de portée du Symbolique et de l’Imaginaire. Tel qu’on le voit dans la construction du nœud borroméen.

On voit comment Lacan convertit la distinction sens et référence pour distinguer être et exister…. Et il montre que l’ontologie, la science (logique, I, R ( ?)) de l’être, n’assure d’aucune existence, puisqu’on sait qu’l y a des êtres (des termes) tels que la licorne et le cercle carré qui ont bien un sens, mais ils n’ont pas d’existence, ils n’ont pas de bedeutung.

Mais alors quel sens donner au terme de parlêtre, d’être parlant, qu’on voit apparaître dans le séminaire Encore ? Et bien le terme d’« être » qui figure dans le concept de parlêtre  n’a pour Lacan d’être que de parler. Au fond, quand on évoque, dans certaines traditions « l’Être suprême », on peut se demander si cet être, dans ce qu’il a de suprême ne se réduit pas à la simple copule du verbe « être » ; copule dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle manque du poids de la chose, de la gravité de la chose.

Ainsi on voit que pour Lacan le Réel ne ressort pas de l’ordre de l’ontologie.  Il parlait de la futilité de l’universel, l’universel qui n’assure d’aucune existence.

Le Réel en psychanalyse n’est pas Universel, et n’est pas de l’ordre de l’être, mais de l’exister.

Dans cette perspective c’est l’existence qui semble le caractériser. Et c’est là qu’intervient la question de l’Écriture, de la Lettre, qui apparait comme le meilleur support dans le concept du Réel de la psychanalyse.

Car finalement si le Réel, si le Réel du symptôme comporte une jouissance opaque qui exclut le sens, comment exprimer cette exclusion si ce n’est par le travail de l’équivoque qui peut dépouiller le Signifiant de son étoffe sémantique, et permettre que ce qui est de l’ordre de la jouissance puisse être bordé et resserré. Est-ce une gageure ? 

Mais il nous faut admettre qu’il n’y a pas de Lettre sans la langue (écrit aussi Lalangue), [….] cela nous amène à la question de savoir comment la langue (Lalangue) peut se précipiter dans la Lettre. Cela nécessite que l’on s’intéresse à la question de l’écriture ! Tout un programme ! 

Cette Lettre ce n’est pas n’importe quelle Lettre. Ce n’est pas cette Lettre qui est seconde à la parole, ce n’est pas la Lettre qui écrit la parole, mais une Lettre pour ainsi dire « unilittérale », toujours la même, une Lettre qui n’est pas à lire. Comme le dit parfois Lacan dans ses écrits.

Cette Lettre, c’est une écriture qui est maniement de la trace. De sorte qu’on peut dire que si du côté de l’être, il y a conjonction du par-être et de la parole, du côté du Réel, il y a conjonction de l’existence et de l’écriture. Cette écriture affect le corps. Non pas le corps spéculaire du miroir, mais un corps qui, selon le mot de Lacan, « se jouit ». Elle y constitue une intrusion de jouissance opaque. En témoigne la pulsion, acéphale et réflexive qu’on peut qualifier de la pulsion de l’Un. C’est en quoi cette jouissance peut se dire « hors-sens » ; c’est une jouissance qui est muette.

Il me semble qu’en fin de compte et pour terminer, que l’interprétation, dans cette perspective, est une interprétation qui aurait un effet de sens poétique, et un effet de trou.

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